Le développement durable, une priorité dès le plan d’affaires
Cette tendance est d’ailleurs évidente pour le directeur général du Centre québécois de développement durable (CQDD), établi à Alma, Nicolas Gagnon.
« Pour les jeunes, le développement durable fait partie de leur vision de l’avenir et du futur. C’est flagrant », affirme sans détour M. Gagnon, qui constate une évolution de la pensée sur le sujet, alors que son équipe chapeaute le programme PME Durable 02 depuis huit ans.
« J’ai l’impression qu’il y a maintenant une part beaucoup plus importante des entrepreneurs, en particulier les jeunes entrepreneurs, qui sont avant tout des entrepreneurs sociaux, c’est-à-dire qu’ils viennent parce qu’ils veulent faire une différence positive, faire de la production locale et s’inscrire davantage dans une économie circulaire », estime le directeur du CQDD.
En 2019, une étude de la firme Léger confirmait les observations de Nicolas Gagnon. Selon celle-ci, 87 % des 18-34 ans considéraient important de travailler dans une organisation qui contribue positivement à la société. Cette proportion passait à 98 % pour les 15 à 17 ans uniquement.
« Ce n’est pas surprenant, car ce sont des jeunes qui, dans leur cursus scolaire et leur formation, se font informer sur ces questions-là. Beaucoup plus que ne l’était la génération des milléniaux, et encore plus que ne l’étaient les baby-boomers », avance-t-il.
Parmi les changements qui ont été remarqués au fil des ans, M. Gagnon note que l’application de mesures écoresponsables est désormais prise en compte par les entrepreneurs dès l’élaboration du plan d’affaires. Il ne s’agit donc plus d’un luxe que certaines entreprises se permettent une fois la rentabilité bien installée.
Utilisation d’eau potable, gestion des ressources humaines axée sur le bonheur des employés, emploi de matériel recyclé et approvisionnement responsable ne sont que quelques exemples d’initiatives qui sont dorénavant considérées au moment de lancer une entreprise.
« Toute la question d’améliorer la gestion des matières résiduelles, entre autres dans une perspective d’économie circulaire, est aussi une tendance très lourde », indique Nicolas Gagnon.
Cette nouvelle conscience écologique n’est d’ailleurs pas mesurable que par les données des entreprises. Le Centre québécois de développement durable enregistre lui-même une demande de plus en plus grandissante afin de partager son expertise. « Ici, l’organisation est passée de cinq à quinze employés en l’espace de huit ans», partage son directeur.
Une question d’identité
Il est donc réaliste de croire qu’aujourd’hui, les pratiques écoresponsables ne sont plus seulement une question monétaire pour les entreprises, mais bien une facette indissociable de leur identité.
Pour Raphaëlle Langevin, la créatrice derrière l’entreprise d’artisanat autochtone Matsheshu Créations, le développement de son commerce ne se fera jamais au détriment de ses valeurs. « Dans notre culture, ç’a toujours fait partie des bases de nos valeurs. Il est certain que j’ai toujours eu une préoccupation là-dessus. Mais je crois aussi qu’il y a quelque chose de beau dans l’artisanat, du fait que tout est fait à la main, qu’il s’agit de slow fashion et que chaque pièce est unique », explique-t-elle en entrevue avec Le Quotidien.
Cette dernière a d’ailleurs fait des pieds et des mains pour réduire la quantité d’items qu’elle doit faire venir d’outre-mer, comme les perles de ses créations, de même que les boîtes utilisées pour l’emballage des produits.
« C’est certain qu’il faut que je m’adapte à mes clients, qui ne sont pas toujours prêts, eux, à payer. Il a fallu que j’arrive avec des alternatives plus abordables. Grâce aux technologies, j’ai quand même réussi à développer des produits, comme des boucles d’oreilles en bois découpé au laser. Au niveau des emballages, j’ai réussi à trouver une solution avec des boîtes en carton, plutôt que d’utiliser le papier bulle. Mais c’est quand même difficile pour moi de contrôler tous les intrants », admet Raphaëlle Langevin.
Pour les petits comme les grands
Le développement durable n’est pas seulement au coeur des priorités des petites entreprises. De grandes chaînes établies tentent aussi de faire pencher la balance vers des pratiques plus écoresponsables.
C’est le cas du propriétaire franchisé des Tim Hortons de Métabetchouan, Roberval, Dolbeau-Mistassini et Normandin, Maxime Tremblay, qui remarque que cette philosophie gagne en importance au sein de la chaîne de restauration rapide.
« À la suite de nos demandes, qui provenaient beaucoup des jeunes franchisés, ils ont amené les couverts blancs chez Tim Hortons, parce qu’ils sont recyclables, contrairement aux anciens, bruns, qui étaient plus difficiles à récupérer. Les pailles en carton, ça faisait aussi longtemps que nous le demandions », cite-t-il en exemple.
Il salue à ce propos la latitude qui leur est offerte quant à la possibilité d’implanter de nouvelles pratiques au sein de chacun des franchises. « Je suis présentement en période de test à mon restaurant de Métabetchouan pour le compost. C’est plus difficile à faire entrer, mais il y a quand même de l’ouverture », souligne-t-il.
Celui-ci espère d’ailleurs que la pratique sera récupérée au niveau national, dans l’éventualité où elle s’avère un succès.
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